Auteur·ice(s): Lola Clavreul et Célia Didier
Publié le 1er février 2023
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Cette étude a été rédigée dans le cadre des débats entourant la loi de 2018, au moment de son analyse par un comité interuniversitaire d’expert·es. Elle vise à apporter un point de vue critique sur la loi actuelle, aussi bien pour les professionnel·les du secteur des centres de planning familial, que pour toute personne qui s’intéresserait aux enjeux soulevés par le droit à l’IVG et plus largement à l’accès aux droits sexuels et reproductifs.
Notre étude se fonde sur notre expertise du terrain, et sur des échanges ayant lieu avec nos centres, mais également au sein de la plateforme Abortion Right avec laquelle nous avions mené une recherche en 2021 sur les femmes ayant dépassé le délai légal, et qui avait abouti à une publication dans le magazine Alter Echos. Nous soulignons ici les défis rencontrés par les femmes souhaitant accéder à l’IVG hors des délais légaux de 12 semaines, et qui doivent faire face à des circonstances imprévues ou des obstacles extérieurs tels que la non-détection de la grossesse, le déni de grossesse, la coercition reproductive, ou les violences sexuelles. Ces femmes, souvent dans une situation précaire, sont contraintes de se tourner vers l’étranger pour une IVG, ce qui implique des coûts supplémentaires et des difficultés. L’allongement des délais d’IVG serait une mesure de santé publique garantissant un accès équitable et sécurisé à l’IVG en Belgique, réduisant ainsi les disparités sociales et les risques pour les femmes et personnes concernées.
Nous insistons ici sur la nécessité de supprimer les sanctions pénales contre les médecins et patientes, arguant que ces sanctions maintiennent un climat de méfiance et de stigmatisation autour de l’IVG. Nous recommandons de supprimer le délai de réflexion de six jours, délai infantilisant et contraire à l’autonomie des femmes dans la prise de décisions concernant leur corps et leur santé. Nous préconisons également de supprimer l’obligation de proposer aux femmes de poursuivre leur grossesse pour donner l’enfant en adoption, clause que nous jugeons nataliste et contraire à l’esprit de la loi sur l’IVG. Enfin, nous suggérons d’encadrer la clause de conscience pour éviter les dérives, afin de garantir un accès effectif à l’IVG et de protéger les droits des femmes. Ces propositions visent à transformer les représentations de l’IVG et à promouvoir une approche moins culpabilisante, reconnaissant l’IVG comme une question de santé publique et non morale.
Pour conclure l’étude, nous examinons les difficultés spécifiques liées à la mise en œuvre effective de la législation encadrant l’IVG. La pénurie de médecins formé.es pour pratiquer l’IVG, liée à une information insuffisante et un manque d’attrait pour la médecine sociale, crée des zones où l’accès à l’IVG est très limité, affectant particulièrement les femmes en situation précaire. Nous recommandons une refonte de la formation médicale, intégrant l’IVG de manière substantielle dans les cursus, pour briser le tabou entourant cette pratique. Nous insistons également sur la nécessité d’un site officiel belge fournissant des informations fiables et neutres sur l’IVG, de campagnes de sensibilisation pour déstigmatiser l’IVG, et de l’interdiction des campagnes anti-IVG. Nous soulignons l’importance de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) dès le plus jeune âge afin de réduire les stéréotypes et fournir des informations fiables sur l’IVG. Enfin, nous proposons de rendre les moyens de contraception gratuits et accessibles pour tou·tes.