FÉDÉRATION DES CENTRES PLURALISTES DE PLANNING FAMILIAL ASBL

Tous les 3 mois, découvrez le portrait d’un·e travailleur/euse d’un CPF (Centre de Planning Familial) affilié à la FCPFF.

[Portrait #3] – Mars 2023 / Gulistan Özer – Accueillante & animatrice au CPF Infor-Femmes à Liège

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Gulistan (pronom elle), j’ai 33 ans et je suis belgo-kurde. Je travaille au sein du planning Infor-Femmes à Liège depuis près de 9 ans.

Je suis éducatrice spécialisée en accompagnement psycho-éducatif. Au sein du planning, je travaille comme accueillante et animatrice. J’effectue par ailleurs des co-interventions avec les psychologues, juristes ou sexologues pour les consultations en kurde et en turc.

Je suis militante des droits humains. J’ai deux combats dans ma vie : le combat pour les femmes et le combat pour le peuple kurde ainsi que toutes les minorités opprimées du Proche et du Moyen-Orient, que ce soit les minorités ethniques, religieuses, sexuelles ou de genre.

Peux-tu dire quelques mots sur le CPF où tu travailles ? Quelles sont les spécificités de ton planning ?

Notre équipe porte une attention toute particulière et à tous les niveaux sur les questions d’inclusivité. Nous avons notamment un focus sur la question de la transidentité et l’équipe a été formée par plusieurs associations dans cette optique.

Par ailleurs, nous créons des outils pédagogiques, des expositions et proposons des formations. Nous avons notamment collaboré avec la FCPPF pour la création de l’outil Love, Sex & Fun. Au niveau de nos outils, nous prêtons une attention particulière à être le plus inclusif.ve·s possible.

Une de nos spécificités est de proposer des consultations dédiées à l’endométriose, avec une gynécologue spécialisée sur cette question, Linda Tebache.

Selon toi, faut-il être militant·e pour travailler en CPF ? Comment cela se traduit-il dans ton travail au quotidien ?

Je pense que le fait de travailler en planning est une forme de militantisme de par les valeurs et les droits que l’on défend. Nous luttons au quotidien pour le droit de toutes les personnes à disposer de leur corps.  Quand on voit les régressions dans certains pays par rapport notamment à l’IVG, ce travail de militantisme me semble primordial, qu’il s’agisse d’un engagement au travers de sa vie professionnelle ou du fait d’aller manifester et interpeller les politiques.
Dans mes animations, je ne parle d’ailleurs jamais de droits acquis mais toujours de droits conquis en veillant à expliciter en quoi cette notion de droits s’inscrit dans notre système patriarcal, capitaliste, impérialiste et les systèmes de domination (notamment sur les femmes) qui en découlent.

Dans le planning, nous sommes toutes militantes à des degrés différents. Du fait de mes origines (kurdes) et de mon histoire personnelle, je suis baignée dans le militantisme et la défense des dites minorités depuis toujours. Je ne pouvais pas trouver de meilleur endroit que le planning pour incarner toutes mes luttes.

Selon toi, quel est l’enjeu ou le combat le plus important des CPF aujourd’hui ?

L’importance de démystifier les animations EVRAS. On l’a à nouveau vu avec la polémique récente autour du guide EVRAS. Il y a toujours des détracteurs, mais le fait que notre travail ne soit pas vraiment compris, qu’il soit mal interprété, voire détourné pose de nombreux problèmes.

Il persiste chez certain·e·s personnes cette idée qu’on va inciter les jeunes à avoir des relations sexuelles, qu’on va les inciter à changer d’identité, alors que nous tentons simplement de visibiliser différentes réalités et surtout d’offrir des espaces de parole, de dialogue et d’apporter des réponses aux jeunes qui s’en posent. Il y a encore énormément à faire pour déconstruire les stéréotypes. De mon point de vue les animations EVRAS devraient être reconnues comme des informations d’utilité publique.

Y a-t-il quelque chose que tu as accompli ou que ton centre ou ton équipe a accompli et qui te rend fière ?

Il y a énormément de choses qui me rendent fière dans notre travail au sein du planning. Je pourrais en particulier souligner l’effort constant que nous effectuons pour être le plus  inclusif·ve possible. Nous sommes en réflexion constante sur ces questions, que ce soit en termes de genre, de validisme, d’âgisme, d’origine socio-culturelle et/ou religieuse… Il s’agit d’une question primordiale pour nous.

Par ailleurs, les consultations spécialisées en endométriose me rendent particulièrement fière. En raison de la grande diversité des publics qui viennent nous voir mais aussi de l’accueil et de l’attention qui leur est portée.  Il s’agit d’une prise en charge centrée sur la personne qui sort du cadre strictement médical. Certaines patientes viennent parfois de loin (Bruxelles, Charleroi ou la frontière française, par exemple), parfois après des mois ou des années d’errance, car elles ont entendu parler de la qualité de la prise en charge qui leur est offerte.

Y a-t-il un livre, un film, une personne, un événement, une ressource liée à ton travail qui t’a marquée et que tu voudrais partager ?

La Jineolojî, développée par le mouvement de libération des femmes kurdes, est peu connue et est, selon moi, une science révolutionnaire. Nous pourrions la qualifier de « science des femmes et de la vie ». La Jineolojî propose de remettre les femmes au premier plan, là où la science moderne, la philosophie et la religion les avaient exclues. La science des femmes consiste en une réappropriation de la connaissance, de l’Histoire,… et ce, sous un prisme dit  « féminin » , décolonial, anti-patriarcal et anti-capitaliste. Elle donne ainsi la capacité aux femmes d’analyser et de comprendre le monde à partir de leur propre perspective et personnalité, pour emporter toute la société dans un mouvement de transformation.