Les années 60 témoignent d’un bouleversement des conceptions de vie (familiale, professionnelle,…) profondément enracinées dans les traditions. Par exemple, le contrôle de la fécondité est tout particulièrement à l’ordre du jour. Celui-ci bouleverse les relations et les rôles de chacun au sein du couple. Il touche de façon irréversible le modèle familial et la relation famille-société.
Chrétien·nes et laïques proposent chacun leur réflexion propre aux problèmes de morale, conjugale et familiale. À l’époque, on oppose les mots « nature » et « culture » en oubliant que l’amour, la sexualité, la procréation sont des mots abstraits qui se vivent dans les relations au quotidien.
Une question difficile se pose : Comment intégrer dans les mentalités et comportements de chacun·e ces techniques de contrôle de fécondité, appelées par les un·es « régulation des naissances », par les autres « planning familial » ? C’est en voulant répondre à ces questions préoccupantes que le mouvement familial estime nécessaire l’existence de lieux de parole. Ceux-ci permettent, enfin, aux couples de s’ouvrir à la « parenté responsable », attendue et souhaitée par un très grand nombre. Ils proposent aussi d’aborder d’autres problèmes personnels et familiaux suscités par ces mêmes bouleversements.
A l’époque, se rassembler sur ces questions morales, conjugales et familiales, est un grand défi pour les chrétien·nes et laïques. Un projet d’une telle ampleur n’est bien entendu pas évident à mettre en place. Grâce au soutien et à l’action de quelques-un·es, celui-ci se concrétise rapidement. La Ligue des Familles, mouvement pluraliste, ouvre largement les pages du Ligueur à cette équipe, mi-laïque, mi-chrétienne.
Et le 7 octobre 1969 est inauguré le tout premier centre pluraliste familial.
Le but premier de ce partenariat chrétien-laïque est de dépasser des cloisonnements philosophiques paralysants en se centrant sur l’attention aux consultants et sur le respect total des convictions et des valeurs de celles et ceux qui sollicitent leur aide. La vocation pluraliste de la Ligue des familles et la formation des travailleureuses des centres prédisposaient tout particulièrement à tenter avec enthousiasme une telle réalisation.
Le travail sur le terrain a peu à peu pétri et affiné une bonne volonté pluraliste initiale, bien intentionnée mais quelque peu irréaliste. Dés le départ, chacune des tendances assure, en permanence, la présence d’un médecin et de conseillers conjugaux.
Ainsi, lorsqu’une personne arrive au centre pour une consultation, elle peut rencontrer le professionnel de son option philosophique. Rapidement, l’équipe pluraliste réalise que les consultant·es ne donnent aucune importance à ce choix.
La seule chose déterminante à leurs yeux est de résoudre le problème personnel qui les tenaille.
Le pluralisme s’est expérimenté avant tout au sein de l’équipe. Les travailleureuses ont pris le temps de se découvrir et le soin de se respecter dans leurs différences. Il s’agissait d’apprendre à « s’apprivoiser ».
Progressivement, au fur et à mesure des consultations, une collaboration se développe au sein de l’équipe. Chaque tendance partage ses spécificités : le cefa et la FBCCC, d’inspiration chrétienne, sont plus expérimenté·es dans l’aide aux couples en difficulté relationnelle, tandis que les laïques, la Famille Heureuse, ont une capacité particulière à aborder le domaine de la sexualité et à collaborer avec les médecins.
C’est ainsi que tout en gardant ses propres convictions, mûries et affinées par l’échange et la collaboration sur le terrain, les travailleureuses des Centres se rencontrent dans un même souci de respect des valeurs des consultant·es. Consultant·es, qu’ils accompagnent et soutiennent dans leur recherche de solution personnelle lucide et responsable.
En 40 ans, les mentalités ont fortement évolué ; faisant de plus en plus appel à la responsabilité de chacun·e, les choix sont devenus progressivement plus clairs et les points de vue se sont rapprochés.
Progressivement, le projet s’étend dans la région bruxelloise. L’équipe d’Uccle est une véritable « fusée porteuse » pour cette réalisation : quelques-un·es se détachent de l’équipe initiale pour s’allier à d’autres et ainsi créer une nouvelle équipe dans des lieux différents. C’est ainsi qu’un centre apparaît à Woluwe-St-Pierre, un autre à Evere,… C’est une véritable « fusée à étages » ! Car l’aventure ne s’arrête pas là. A partir du centre d’Evere qu’est mis sur orbite le CPF de Jette. En même temps, un projet se crée à Tubize, à Braine l’Alleud,…Ce dernier se déplacera ensuite à Waterloo.
Le grand voyage ne fait que commencer ! Car, c’est au tour de la province du Luxembourg d’ouvrir ses portes au projet. Un centre se crée à Libramont, à Virton, à Marche-en-Famenne, à Neufchâteau,… Les autres provinces se laissent aussi séduire par l’idée de planning familial. Et ainsi, Mons, Charleroi, Liège, Perwez,… ont chacun leur centre de planning familial pluraliste.
Pour chacun de ces centres commence alors une aventure à la fois difficile et enthousiasmante : se rencontrer, se connaître et s’accepter différent·es, constituer une équipe qualifiée, s’organiser pour la gestion et la promotion du centre, aller à la rencontre de la population, des jeunes et des moins jeunes, dans un environnement qui est chaque fois spécifique, cibler son action, tenir, tenir et encore tenir…avec des moyens financiers bien limités. C’est bien là qu’est la découverte.
L’exercice du pluralisme est dynamisant, car chacun·e ou presque, se sentant accepté·e, reconnu·e dans ce qu’iel est, se met en marche en quelque sorte, déploie ses capacités, ses potentialités et paie de sa personne. C’est ainsi qu’iels trouvent une grande satisfaction à vivre cette aventure, même sur une corde raide.
Les équipes composées de « technicien·nes » -conseiller·es conjugale/aux, médecin·es, psychologues, assistant·es socialaes/aux, juristes- apportent leurs compétences professionnelles, leur souci d’entrer dans une relation attentive aux patient·es, leur désir de travailler en équipe pluridisciplinaire. Des consultations médicales, d’informations juridiques et d’aide psychologique aux personnes, aux couples, aux familles, dans leurs difficultés relationnelles et autres se développent. A coté de celles-ci, certain·es collaborateurices se forment à l’animation de groupes et multiplient les rencontres avec des groupes scolaires et autres
Un premier arrêté royal du Ministre de la Famille reconnaît, en 1970, l’existence des centres de planning familial (sous le nom prudent de centres prématrimoniaux, matrimoniaux et familiaux) et leur octroient quelques subventions.
A partir de cette date, années après années, au fil des décisions politiques, les réglementations évoluent pour Bruxelles et pour la Wallonie. Le fait entre autres que les centres de planning familial aient reçu à ce moment là l’autorisation du Ministre de la Santé de conserver le système du tiers-payant pour les consultations médicales est un exemple de ce qu’en haut lieu, on a compris le sens de l’action des centres auprès des jeunes en particulier.
A ce jour, les 26 Centres pluralistes de planning familial de Bruxelles et de la Région wallonne sont agréés respectivement par la Commission Communautaire française et la Région wallonne. Il faut aussi souligner le soutien actif de certaines communes où sont implantés les CPF et des autorités de la province de Luxembourg : soutien financier mais aussi « en nature » sous forme de locaux, de matériel et de facilités diverses.
Il n’en reste pas moins que les collaborateurices ne peuvent travailler qu’à temps très partiel et doivent se contenter de rémunérations ou d’honoraires modestes. C’est vraiment grâce à elles et eux, à la qualité de leur travail et à leur désintéressement que les centres peuvent exister.